L'été 1959, Pasolini longera toute la côte italienne, "une longue route de sable ", au volant de sa Millecento.
Il entreprend ce périple pour le magazine Successo, qui lui a passé commande d’articles consacrés au littoral italien de l’été, à son effervescence.
Pasolini y répondra à sa façon, en laissant jouer les évènements, voire en provoquant le hasard.
Il se rend compte que tous ceux qu’il rencontre ont leur mot à dire, que ce soit des auto-stoppeurs, des petits commerçants, des artistes oubliés, des starlettes de Cinecitta ou des célébrités (Visconti, Fellini), des voyous ou des touristes.
Il entreprend ce voyage en solitaire, le long des plages et des villes côtières brûlées de soleil et inondées de la lumière de la Mer.
Il découvrira de nombreuses régions, totalement isolées, ou au contraire bien trop connues, lors de son périple qui le mène de Vintimille à Trieste, en passant par Naples et la Sicile.
Le poète « traverse les villes comme s’il les déchirait, dévoilant leur vérité et la sienne » (Anne Bourguignon, traductrice)
« Comme souvent, ce récit d’errance nous en apprend autant sur l’auteur que sur les lieux traversés, notamment sur son « grand écart » entre la passion (réactionnaire, sexuelle, dionysiaque) et l’idéologie (communiste, progressiste, intellectuelle, rationnelle) » (P.L. Saissi)
Non seulement il sait rendre compte de la nature sauvage, de ses odeurs, mais aussi des rencontres de hasard, avec sa verve sans complaisance, son hypersensibilité aux choses et aux êtres, à leurs travers.
A la fin de son périple, Pasolini retrouve donc la Vénétie et le Frioul, région de sa naissance. Et ainsi s’accomplit la boucle : cherchant « les senteurs survivantes d’une civilisation pour nous disparue mais extraordinairement présente à ceux qui le vivent », Pasolini descend vers les espaces encore non éclaircis, proches de son enfance, qui font retour sous forme d’images :
« Désormais commencent les plages de mon enfance et de mon adolescence : ce ne seront plus des découvertes, mais des confrontations. »
On voit, dans ce livre, se tracer un portrait sans complaisance des populations dont le mode de vie s’accommode sans problème des objectifs uniformisants de l’industrie touristique.
« Ostie, juin : La Grande Fourmilière a bougé.
J’arrive à Ostie sous un orage bleu comme la mort.
L’eau s’évapore entre les coups de tonnerre et les éclairs.
Les vacanciers s’entassent dans les bars, sous les moindres abris, la queue entre les jambes.
Les établissements balnéaires, vides, paraissent démesurés. »
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