dimanche 26 octobre 2014

Louis Lavelle : "L'erreur de Narcisse"


Nous connaissons tous le mythe de Narcisse et de la nymphe Echo : Narcisse meurt de contempler sa propre image, fasciné par sa propre beauté au point de se noyer dans l’eau qui le reflète.
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Il ignore, dans un premier temps, que ce reflet est celui de son propre visage.
Il croit voir quelqu’un d’autre, et tombe éperdument amoureux de la belle image qu’il voit dans l’eau.
Il est fasciné par cette beauté insaisissable. Ensuite, Narcisse se reconnaît, et ne veut plus connaître que lui-même, mais ne rencontre toujours qu’une apparence. Il voudrait se voir comme un autre le voit, mais la fontaine dans laquelle il se mire ne lui présente qu’une image sans vie à laquelle il devient totalement aliéné : il préfèrera cette image à lui-même et finira par en mourir.
Dans ce mythe ancien, repris par Ovide, la faute de Narcisse est de mépriser l’amour d’autrui et de s’isoler dans l’amour exclusif de lui-même.
Comme le rappelle le philosophe Pierre Hadot, Ovide exprime le drame de Narcisse dans un vers des Fastes : « Narcisse, malheureux de n’avoir pas été différent de lui-même. »
On trouve dans ce mythe des interprétations et des questionnements divers et aussi riches les uns que les autres : le grand danger de refuser l’amour, la démesure du mépris, le caractère illusoire de l’image, qu’est-ce que l’amour-propre,.... En effet, Narcisse meurt pour un reflet, enfermé qu’il est dans son auto illusion.

Le livre du philosophe Louis Lavelle (1883-1951), "L’erreur de Narcisse" (La Table Ronde 2003, première publication Grasset 1939) est absolument passionnant à cet égard.
                                   

Louis Lavelle a été professeur de philosophie aux Lycées Louis le Grand et Henry IV avant d’être nommé au Collège de France.
Ses livres approfondissent les interrogations de l’esprit sur l’être et sur l’acte.
« La pensée de Lavelle nous propose une spiritualité d’inspiration chrétienne, mais à aucun moment elle ne présuppose la foi en Dieu. Dans cette philosophie, Dieu est plutôt présent comme le lieu de convergence de nos consciences personnelles ; il est toujours à l’horizon comme l’unité des consciences dans une conscience universelle. » Jean-Louis Vieillard-Baron, son préfacier.
Louis Lavelle nous montre qu’il ne suffit pas d’avoir un cœur pur, de rechercher l’idéal dans une image, mais que la vie de l’esprit exige une action et d’abord une action sur soi-même. La destinée de chacun est bien à réaliser à travers des évènements réels où l’imprévu à un rôle à jouer…La »pureté de la conscience » ne consiste pas à s’isoler de tout, mais à exprimer dans le monde l’unité de sa vie personnelle.
Louis Lavelle parle un langage approprié à une époque passablement « narcissique » où les hommes ont besoin de repères. Sa pensée est profondément humaine dans la mesure où elle cherche un sens pour l’existence.

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