mardi 8 décembre 2020

La Jérusalem Délivrée, du Tasse : un formidable récit épique et un best-seller

 

"La Jérusalem délivrée" (La Gerusalemme liberata) est un formidable poème épique en XX Chants, de longueur variable, écrit en 1581 en italien par Le Tasse (Torquato Tasso) : ici et .

On traduit, aujourd'hui, plutôt cette oeuvre par "La Jérusalem libérée".

Le Tasse
1544-1595




Mon édition de 1883


Ce poème épique retrace un récit largement fictionnel de la Première Croisade, au cours de laquelle les chevaliers chrétiens menés par Godefroy de Bouillon combattent les Sarrasins, avant de lever le siège de Jérusalem, en 1099.

L'oeuvre s'inscrit dans la tradition des romans de chevalerie de la Renaissance.


Le Tasse emprunte des éléments de l'intrigue et des personnages à un autre poème épique : le "Roland Furieux" ( Orlando Furioso) de l'Arioste, paru en 1516 : ici.

L'Arioste
1474-1533

Orlando Furioso
Edition de 1551

Mais revenons au Tasse.

Il eut pour père l'un des meilleurs poètes qu'eût alors l'Italie et qui sut mettre en honneur la poésie italienne, tout comme Dante et Pétrarque qui furent les premiers à avoir écrit en italien et non plus en latin.

On peut supposer que le Tasse a certainement commencé dès le berceau à bégayer les vers de son père ...

Statue du Tasse
à Sorrente

Le récit du Tasse nous entraîne dans une formidable aventure, et ses descriptions ne sont pas aussi élogieuses qu'il pourrait y paraître vis à vis de ses mécènes: ce récit est d'une richesse de thématiques absolument exceptionnelle et d'une grande modernité.

Les atrocités des défenseurs du Christ en terre orientale ne nous sont pas cachées et on découvre, sous le masque de sauvagerie des païens, des hommes en tous points identiques aux croisés : c'est la découverte de l'Autre.

"Dans ce monde fait d'air, d'inconsistance, changer d'avis est bien souvent constance."

Cette tension entre la sphère des passions mondaines et l'aspiration religieuse fut à la fois la gageure poétique du Tasse et le tourment de sa vie personnelle.

Souffrant depuis ses 30 ans de maladie mentale, il mourut, à 51 ans, alors que le Pape allait le couronner "Roi des Poètes".

Le Couvent sant'Onofrio à Rome
où vint mourir le Tasse

Jusqu'au début du XIX°, le Tasse fut l'un des poètes les plus lus en Europe : on peut véritablement parler, à propos de son oeuvre, de best-seller.


Le poème du Tasse a nourri l'imaginaire de générations d'écrivains et d'artistes.

Jean-Jacques Rousseau aimait lire et relire le Tasse.

Auguste Comte parlait au sujet de cette oeuvre, de "littérature épique moderne".

Simone Weil voyait dans "La Jérusalem délivrée" l'une des plus hautes expression de l'espérance chrétienne.

Voyons ce qu'en disait Chateaubriand :

" "La Jérusalem Délivrée"est un modèle parfait de composition.

C'est là qu'on peut apprendre à mêler les sujets sans les confondre : l'art avec lequel le Tasse vous transporte d'une bataille à une scène d'amour, d'une scène d'amour à un conseil, d'une procession à un palais magique, d'un palais magique à un camp, d'un assaut à la grotte d'un solitaire, du tumulte d'une cité assiégé à la cabane d'un pasteur : cet art est admirable!"



La "Jérusalem Délivrée" constitue la trame de nombreuses oeuvres musicales, comme "Le combat de Tancrède et de Clorinde" de Monteverdi, Armide, de Lully ou de Gluck, Rinaldo de Haendel, Armida de Haydn, Rossini ou Dvorjak, Rinaldo de Brahms,...

De très nombreux peintres ont illustré des scènes de cette oeuvre : Tiepolo, Poussin,  Boucher, Van Dyck, Fragonard, Carrache, Delacroix, ...

Tiepolo
Renaud et Armide dans le jardin


Un des traits les plus caractéristiques du poème du Tasse est le tourment émotionnel enduré par ses personnages, partagés entre leurs sentiments et leurs devoirs.

Ils sont déchirés entre leur représentation de l'amour et leurs valeurs comme l'honneur, et tout cela est une source de grande passion lyrique dans le poème.

Voir ici "Une vie, une Oeuvre" sur Le Tasse, émission passionnante de France Culture de 2003.

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