vendredi 16 novembre 2018

"Jeunesse" de Joseph Conrad


Je relis avec bonheur la nouvelle "Jeunesse" de Joseph Conrad, dans mon édition de la NRF de 1928.
Dans cette édition figure également la passionnante nouvelle "Coeur des Ténèbres".


Cette impulsion pour me replonger dans l'écriture et l'imagination extraordinaire de Joseph Conrad m'a été donnée par un spectacle homonyme donné début novembre à la Comédie de l'Est, à Colmar.

Ce magnifique spectacle a été mis en scène par Guillaume Clayssen (Compagnie des Attentifs).

Joseph Conrad

Joseph Conrad, né en 1857 en Ukraine, et mort en 1924 en Angleterre est d'origine polonaise.

C'est un écrivain de langue anglaise majeur du XX° siècle : voir ici.

Voila l'histoire - autobiographique - d'un marin de vingt ans, le jeune Marlow qui soupire après l'aventure maritime et aspire au commandement.

Son rêve est de naviguer vers l'Orient.


Il embarque sur un vieux rafiot déglingué, La Judée.
Il est chargé d'amener à bon port à Bangkok un chargement de charbon.

La feuille de route semble simple, mais le vieux rafiot, presque une épave, prend l'eau de partout : la traversée est à hauts risques, la mer est déchaînée....


Voilà l'histoire, magnifiquement écrite, d'un voyage initiatique de l'adolescence vers l'âge adulte.

Chaque mésaventure (tempête, incendie, naufrage) est pour le jeune Marlow un moment de joie et de vie intense.
Il se sent indestructible, immortel...

Joseph Conrad interroge dans sa nouvelle l'idéalisme et l'énergie de la jeunesse.


"Lorsque l'homme chemine sur les eaux incertaines d'un océan, il est obligé de subir un rythme brisé et de s'adapter constamment à ce corps humide, gigantesque et mouvant qui porte son navire ...

C'est ce caractère agité, tempétueux, incarné du texte qui oriente mon imaginaire vers une mise en scène sensorielle et vibratoire où chaque spectateur est pris lui-même dans un mouvement de mots, de sons et de corps...

Adapter et mettre en scène cette nouvelle de Conrad c'est aussi sonder l'écho contemporain auquel ce texte renvoie inéluctablement....
Comment la jeunesse contemporaine exprime-t-elle le désir d'une autre vie, d'un autre monde?"
(Guillaume Clayssen)

Voir ici l'interview de Guillaume Clayssen à propos de Jeunesse et du spectacle qu'il a mis en scène.

vendredi 28 septembre 2018

Guillaume d'Aquitaine : Ferai des vers de pur néant


Guillaume IX, Duc d'Aquitaine, ou Guillaume VII Comte de Poitou, ou Comte de Poitiers, est né le 22 octobre 1071 et mort le 11 février 1127 : voir ici.

Blason du Comte de Poitiers

Il succède à son père Guillaume VIII à l'âge de 15 ans (On l'appelait Guillaume le Jeune, au début de son règne).

Guillaume IX d'Aquitaine

Il sera le père de Guillaume X, et le grand-père d'Alienor d'Aquitaine (Voir ici), qui fut Reine de France et Reine d'Angleterre.

Alienor d'Aquitaine

Guillaume IX marque surtout l'histoire comme homme de lettres, qui sut entretenir l'une des cours les plus raffinées d'Occident.

Il écrit lui-même des poèmes en langue d'Oc, poèmes qui sont mis en musique: il fut appelé le premier des troubadours.

Guillaume IX d'Aquitaine

C'est le plus ancien poète médiéval écrivant en langue vulgaire: ses poèmes, parfois très crus,  n'ont aucun caractère sacré et ne chantent pas la gloire des héros guerriers.

Ses vers traitent des femmes, d'amour, et de ses propres prouesses sexuelles.

Il chante tout autant la beauté des nonnes d'un couvent que l'amour entre hommes. On l'accusera d'être vulgaire et débauché.

Sa maitresse, une femme mariée (Dangereuse de l'Isle Bouchard) devient sa muse dans ses poèmes.
A la bataille de Coutanda, il aurait d'ailleurs combattu avec le corps de sa maîtresse peint sur son bouclier.

Guillaume IX est un prince troubadour, qui pratique une poésie joyeuse et égrillarde, adepte de l'érotique courtois.
C'est le précurseur de l'amour courtois (fin amor en occitan).
A sa suite, l'art des troubadours va devenir plus galant.

Guillaume IX d'Aquitaine

Mais ce grand seigneur troubadour  a écrit également un poème fascinant et tout à fait étonnant, "Poème sur le Rien", composé "en dormant sur un cheval", sorte de rêve éveillé, de parodie de la poésie courtoise, voire la transcription d'une expérience mystique: "Farai un vers de dreyt nien".

Je vous le livre dans sa traduction française, suivie de l'original en langue d'Oc :

Ferai des vers de pur néant :
Ne sera de moi ni d'autres gens,
Ne sera d'amour ni de jeunesse,
Ni de rien d'autre.
Les ai trouvés en somnolant -
Sur un cheval !

Ne sais sous quelle étoile suis né.
Ne suis allègre ni irrité,
Ne suis d'ici ni d'ailleurs,
Et n'y peux rien :
Car fus de nuit ensorcelé
A la cime d'une colline.

Ne sais quand fus endormi,
Ni quand je veille si on ne me le dit.
J'ai bien failli avoir le coeur brisé
Par la douleur :
Mais m'en soucie comme d'une souris
Par saint Martial !

Malade suis et me sens mourir,
Mais n'en sais pas plus qu'en entends dire.
Médecin querrai à mon gré,
Mais ne sais quel :
Bon il sera s'il peut me guérir
Mais non si mon mal empire.

L'amie que j'eus : ne sais qui c'est.
Jamais ne la vis par ma foi,
Rien ne m'a fait qui me plaise ou pèse,
Et ça ne m'importe pas plus
Qu'il vint jamais Normand ou Français
Dans ma demeure.

Jamais ne la vis et l'aime fort.
Jamais ne me fit justice ni tort.
Quand ne la vois, en fais ma joie
Et ne l'estime pas plus qu'un coq :
Car en sais une plus aimable et belle
Et plus précieuse.

J'ai fait ces vers ne sais sur quoi.
Et les transmettrai à celui-ci
Qui les transmettra à un autre
Là-bas vers l'Anjou :
Que celui-là m'en renvoie, de son fourreau -
En contrepoint : la clé !

Et voici l'original en langue d'Oc :

Farai un vers de dreyt nien
Non er de mi ni d'autra gen
Non er d'amor ni de joven
Ni de ren au
Qu'enans fo trobatz en durmen
Sus un chivau

No sai en qual hora.m fui natz
No soi alegres ni iratz
No soi estranhs ni soi privatz
Ni non puesc au
Qu'enaisi fui de nueitz fadatz
Sobr'un pueg au

No sai cora.m fui endormitz
Ni coram veill s'om no m'o ditz
Per pauc no m'es lo cor partitz
D'un dol corau
E no m'o pretz una fromitz
Per saint Marsau

Malautz soi e cre mi morir
E re no sai mas quan n'aug dir
Metge querrai al mieu albir
E nom sai tau
Bos metges er sim pot guerir
Mas non si amau

Amigu'ai ieu non sai qui s'es
C'anc no la vi si m'aiut fes
Nim fes quem plassa ni quem pes
Ni no m'en cau
C'anc non ac Norman ni Franses
Dins mon ostau

Anc non la vi et am la fort
Anc no n’aic dreit ni no.m fes tort
Quan no la vei be m'en deport
Nom prez un jau
Qu'ien sai gensor e belazor
E que mais vau

No sai lo luec on s’esta
Si es m pueg ho es en pla
Non aus dire lo tort que m’a
Albans m’en cau
E pezam be quar sai rema
Per aitan vau

Fait ai lo vers no sai de cui
Et trametrai lo a celui
Que lom trameta per autrui
Enves Peitau
Quem tramezes del sieu estui
La contraclau


Ecoutez ce poème mis en musique par le Groupe Tre Fontane : ici.

Ferai un vers ...
Après une vie de poésie et de débauche dans sa Cour, le Prince-Troubadour consacrera la fin de ses jours à la Religion, avant de mourir à l'âge de 55 ans.

vendredi 3 août 2018

Harari : Homo Deus, Une brève histoire du futur


Profitant d'un peu de calme à la montagne, je me suis lancé dans la lecture du dernier best-seller de Yuval Noah Harari : "Homo Deus, Une brève histoire du futur".

Yuval Noah Harari

Je n'ai pas pu lâcher la lecture de ces 450 pages passionnantes comme un thriller.

Et c'en est un en effet : quel avenir pour l'Humanité...et pour notre humanité?


On ne présente plus Harari : voir ici, sinon que c'est l'auteur à succès d'un best-seller international précédant celui-ci : "Homo Sapiens, Une brève histoire de l'humanité" , vendu à plus de 200 000 ex et traduit en 40 langues, ouvrage que je n'ai pas lu.

Que deviendront nos fragiles démocraties quand Google et Facebook connaîtront nos goûts et nos préférences politiques mieux que nous-mêmes ?

Qu'adviendra-t-il de l'Etat Providence lorsque nous, les humains, serons évincés du marché de l'emploi par des ordinateurs plus performants?


Quelle utilisation certaines religions feront-elles de la manipulation génétique ?

Que sera le monde de demain lorsque les algorithmes, de plus en plus intelligents, et l'intelligence artificielle pourront se passer de notre pouvoir de décision?


L'Homo Sapiens devient un Homo Deus, mais quel destin nous forgeons nous, un destin que même George Orwell n'osait imaginer ?


George Orwell

Petit à petit, nous entrons dans une nouvelle ère où nous cédons des parts de liberté et d'indépendance, où nous donnons accès à nos données personnelles et privées - nous ne savons pas exactement à qui - pour pouvoir bénéficier de tout ce que nous apportent les nouvelles technologies.

Les populismes et les pouvoirs autoritaires se renforcent et se multiplient, et le pluralisme politique est affaibli.

Nous sombrons dans le "dataïsme": ce qui compte désormais, ce sont les "données", le "big data", que seule l'intelligence artificielle est à même de traiter.


Tout cela bouleverse nos droits fondamentaux d'êtres humains, notre démocratie, et finalement l'organisation du monde.

Allons nous vers une certaine fin des libertés ?

Notre monde devient un colosse aux pieds d'argile, à la merci de toutes les manipulations, même les plus dangereuses et les plus odieuses.

L'actualité quotidienne est là pour nous en apporter la preuve, hélas!

Le nouveau livre de Hariri nous offre un aperçu vertigineux des rêves et des cauchemars qui façonneront le XXI° siècle.

A lire de toute urgence!

A ce sujet : un petit livre plus que jamais d'actualité à lire ou relire :


samedi 14 avril 2018

Jean-Louis Etienne : "Dans mes pas"


Jean-Louis Etienne est médecin, spécialiste de nutrition et de biologie du sport.

Jean-Louis Etienne
Il est connu, entre autres, pour ses expéditions en Himalaya, au Groenland, en Patagonie, en Arctique : il a été le premier homme à atteindre le Pôle Nord en solitaire en 1986, et en Antarctique, notamment la Transantarctica, réalisée en 1989-1990. Voir ici.

Jean-Louis Etienne est un infatigable défenseur de la planète qui a mené plusieurs expéditions à vocation pédagogique pour faire connaitre les régions polaires et comprendre le rôle qu'elles jouent sur le climat.


Dans "Dans mes Pas", publié en 2017 aux Editions Paulsen, à travers une suite de récits vifs et personnels, Jean-Louis Etienne nous explique comment la marche, ce temps avec soi qui structure l'esprit, lui a permis de s'affirmer tout au long de sa vie et a fait de lui un homme libre.

"Toute ma vie, j'ai marché. 
En ville, à la campagne ou durant mes expéditions.
Je mesure aujourd'hui ce que la marche m'a apporté sur tous les plans, physique, mental, affectif.
J'ai toujours en mémoire les émotions que la marche, à la juste mesure du temps, avive..."


"Marcher, c'est parcourir, découvrir, penser, arpenter, fuguer, migrer, manifester, errer.
Marcher, c'est être seul, en foule, libre, c'est tendre vers un but.

Marcher, c'est le mouvement, le rythme, le souffle, la présence au monde.
Marcher, c'est mettre en oeuvre nos pieds, nos jambes, notre ventre, notre cervelet, notre corps entier.

Marcher, c'est être vivant. C'est tracer son chemin."




"Rien ne sert de crapahuter dix heures non stop tous les 36 du mois. Mieux vaut opter pour un petit tour une fois par jour.
La marche s'accommode parfaitement avec la régularité, pour se transformer en rituel."


"Cela balise l'existence, philosophe-t-il, votre organisme a tout à y gagner...Poser un pied devant l'autre est la solution la plus simple pour garder la pêche!"

De fabuleux petits textes sur la marche! ... Alors, marchons!


vendredi 16 février 2018

"L'intérêt de l'enfant" de Ian McEwan


Ian McEwan, le "Maître des lettres anglaises" est né en 1948 à Aldershot : il est romancier et scénariste.

Ian McEwan

Dès le début des années 1980, Ian McEwan s'impose sur la scène littéraire britannique avec deux recueils de nouvelles : First Love, Last Rites (1975, prix Somerset Maugham), et In-Between the Sheets (1978).
Mc Ewan s'y montre fasciné par la perversion et l'interdit.

Insolite et insolente, provocatrice, hautement originale, l'oeuvre de Ian McEwan surprend par ses tours de force de concision et d'humour. 
Il joue avec les énigmes, tant policières que psychologiques.

L'Intérêt de l'Enfant , paru en 2014 est publié chez Folio en avril 2017.


A l'âge de 59 ans Fiona Mayes est une brillante magistrate de la Haute Cour de Londres où elle exerce en tant que juge spécialiste du droit de la famille.

Passionnée par son travail, elle en délaisse sa vie personnelle et son mari Jack, surtout depuis une nouvelle affaire:

Adam Henry, un adolescent de 17 ans atteint de leucémie risque la mort, car les croyances religieuses de sa famille, Témoins de Jéhovah, interdisent la transfusion sanguine qui pourrait le sauver.

Avant de rendre son jugement, Fiona décide brusquement de se rendre à l'hôpital pour rencontrer le jeune homme, mais cette entrevue la trouble ...

Dans un style limpide, Ian McEwan construit une de ces ambiances oppressantes dont il a le secret.

Les certitudes se dérobent : où commence et où s'arrête l'intérêt de l'enfant ?

L'éthique, la religion et la loi s'entremêlent avec virtuosité et profondeur dans ce roman écrit avec une maîtrise impressionnante.

On ne quitte pas facilement ce livre écrit avec une intensité rare.

Voir ici son passage à La Grande Librairie à propos de ce roman.

A noter son dernier livre : Nutshell, paru en 2016 et publié chez Gallimard en 2017 (Dans une coque de noix) : où un foetus mène l'enquête...


vendredi 9 février 2018

Kamo No Chômei : Notes de ma cabane de moine


Il s'agit là d'un court récit autobiographique d'une limpide simplicité, rédigé en 1212 par Kamo No Chômei, fils d'un prêtre shintoiste.


Ce petit livre est publié en 2010 aux Editions Le Bruit du Temps (80p, 11€) :  voir ici.

Kamo No Chômei

Ces notes s'ouvrent par le constat de l'universelle précarité de la vie humaine.

Il relate tout d'abord les différentes calamités auxquelles il lui a été donné d'assister: ouragans, incendies, transfert de la capitale de Kyoto à Fukuhara, famines, tremblement de terre.

Autant de raisons de sentir avec intensité "l'impermanence de toutes choses en ce monde, et la précarité de sa propre vie."

Que faut-il donc faire pour goûter un instant le contentement du coeur?

Il vient à l'idée de Chômei de se construire un ermitage : ses demeures deviennent plus modestes à mesure qu'il vieillit, jusqu'à la "toute petite bicoque" posée à même le sol où il passe ses dernières années.

Modèle de la cabane de Kamo No Chômei
dans le Monastère de Shimogamo-Jinja près de Kyoto

Il y vit une vie fruste, agrémentée de poésie et de musique; il contemple les paysages.
Il a emporté quelques livres et son biwa - une sorte de luth.

Kamo No Chômei et son biwa

Il ne cache pas ses moments d'émotion, voire de tristesse : "il mouille sa manche de ses larmes" lorsqu'il entend le cri des singes et songe à ses amis disparus...

Il témoigne de ses progrès sur la voie du bouddhisme, du détachement et de la sagesse intérieure : "J'assimile ma vie à un nuage inconsistant, je n'y accroche pas mon espoir et n'éprouve pas non plus de regrets."

"Ce récit est un mémorial plein de fraîcheur et de sentiment que l'on pourrait comparer aux livres de l'Américain Thoreau." Paul Claudel.



samedi 3 février 2018

Charles Wagner : La vie simple


Charles Wagner est né le 3 janvier 1852 à Vibersviller, en Moselle et est mort le 12 mai 1918 à Neuilly-sur-Seine.

Charles Wagner

La famille Wagner, une famille de pasteurs luthériens s'installe en 1854 à Tieffenbach, en Alsace.
A la mort de son père, en 1859, l'enfant fut élevé par sa mère et son grand-père pasteur et partagea la rude vie des paysans alsaciens à Ottwiller.

Il fit ensuite ses études aux  Facultés de Théologie Protestante de Paris et de Strasbourg.
Il prit son premier poste pastoral à Barr, en Alsace, dans le Bas-Rhin, puis il prit un ministère dans les Vosges, à Remiremont et ensuite à Paris.

Sa théologie moderne, libérale et indépendante l'éloigne de toutes les orthodoxies : "Je ne suis ni catholique ni protestant ni juif, mais un peu tout cela à la fois, non en sceptique qui rit de tout, mais en croyant qui croit plus que ce que contiennent les formules."

Il pratique un christianisme chaleureux, prend la défense des faibles, lutte contre les injustices et les exclusions.

Son influence s'accroit rapidement tant auprès des intellectuels parisiens que des ouvriers des faubourgs.

Il créera le Temple Protestant du "Foyer de l'Âme", une église réformée de tendance libérale, dans le 11° Arrondissement à Paris, dans une rue qui porte désormais son nom (7bis rue du Pasteur Wagner) à côté de la Bastille.

Temple protestant du "Foyer de l'Âme"

En novembre 1911, il invite au "Foyer de l'Âme"Abdu'l-Baha Abbas le chef Persan de la foi baha'ie, promoteur d'une religion universelle.

Poète et conférencier remarquable et renommé, il commence sa carrière littéraire en 1890 avec Justice, Jeunesse, l'Ami, Sois un Homme, etc, mais c'est surtout La Vie Simple (1895), qui le fit connaitre à un large public, et même en dehors des frontières françaises.

Il s'agit là d'un livre, certes "daté", mais on arrive vite à s'approprier à sa lecture, un message universel, proche des messages bouddhistes et taoïstes, eux aussi "datés", quant aux conditions d'une vie intérieure riche et d'un accès au"bonheur"dans notre époque troublée, et passablement déboussolée.

La plupart de ses livres sont traduits en anglais.


En 1904, à la demande du Président Theodore Roosevelt, qui avait lu une traduction de La Vie Simple, Charles Wagner s'embarque pour une tournées aux Etats-Unis où il donnera 150 conférences et restera deux mois. 


Il fut reçu à la Maison Blanche et Roosevelt déclara : "S'il y a un livre que je souhaite voir lire par notre peuple entier, c'est "La Vie Simple" de Charles Wagner".

"Puissent ces pages, en se répandant ramener l'attention de beaucoup de nos contemporains sur le premier de tous les sujets : l'emploi et l'organisation de la vie.
Et puissions nous, en méditant sur ce problème des problèmes, arriver à comprendre que le bonheur, la force et la beauté de l'existence ont pour une grande part leur source  dans l'esprit de Simplicité".

"La joie n'est pas dans les objets, elle est en nous".

"Souviens toi de l'essentiel, oublie l'accessoire" (Charles Wagner)

Charles Wagner laisse l'empreinte de l'un des grands guides spirituels de son temps et nous laisse une leçon de vie essentielle toujours valable pour notre époque.

Ce livre, dans son édition de 1902, peut être consulté gratuitement ici.


mercredi 31 janvier 2018

N'espérez pas vous débarrasser des livres : Jean-Claude Carrière et Umberto Eco


Nous avons là un livre d'entretiens entre Jean-Claude Carrière et Umberto Eco menés par Jean-Philippe de Tonnac et publié chez Grasset en 2009 (330p).


De quoi s'agit-il ? 
D'un combat d'arrière garde entre septuagénaires aigris qui pleurent la disparition de leurs chers livres?
Ah, le bon vieux temps où l'un se penchait sur des parchemins et où l'autre écrivait des scénarios avec Buñuel...

Jean-Claude Carrière (né en 1931)

Umberto Eco (1932-2016)

Il s'agit d'un regard rétrospectif sur l'apport du livre à notre civilisation et d'une réflexion sereine sur l'apport du numérique, ses avantages, mais aussi ses inconvénients.

Ils rappellent à juste titre les problèmes de conservation que posent les supports électroniques que l'on croit pérennes, bien à tort : l'informatique se périme à une vitesse vertigineuse.
L'un des chapitres s'intitule d'ailleurs : "Rien de plus éphémère que les supports durables".

L'ouverture culturelle de nos deux protagonistes, humanistes passionnés, est absolument fabuleuse, et c'est ce qui fait, on s'en doute, l'intérêt de cet ouvrage à la fois drôle et érudit.


Le gai savoir : rarement l'expression nietzschéenne se sera aussi bien appliquée qu'à ce livre ... sur les livres!

Nous traversons cinq mille ans d'histoire du livre à travers une discussion érudite et humoristique, savante et subjective, dialectique et anecdotique, curieuse et goûteuse.

Les titres des chapitres sont savoureux... sans parler de leur contenu : "Notre connaissance du passé est due à des crétins, des imbéciles et des adversaires" ; "Eloge de la bêtise" ; "Livres sur l'autel et livres en "Enfer"; ou, plus sérieusement : "Que faire de sa bibliothèque après sa mort?"

En ces temps d'obscurantisme galopant, la "furia littéraire" de ces deux passionnés est peut-être le plus bel hommage qui se puisse imaginer à la culture de l'esprit, et l'antidote le plus efficace au désenchantement!