Je retrouve dans ma bibliothèque un petit livre (21 pages), tout petit, si petit qu’il en disparaissait, coincé entre deux gros volumes...
« Notre besoin de consolation est impossible à rassasier » de Stig Dagerman, publié en 1955 à Stockholm par Norstedts et en 1981 par Actes Sud.
A l’époque où le must éditorial est aux pavés de plusieurs centaines de pages, ce livre, cette petite chose merveilleuse est d’un poids écrasant : celui de notre condition humaine.
Qui ne peut être touché par les mots, les tripes de Stig Dagerman ?
« En ce qui me concerne, je traque la consolation comme le chasseur traque le gibier. Partout où je crois l’apercevoir dans la forêt, je tire. Souvent, je n’atteins que le vide mais, une fois de temps en temps, une proie tombe à mes pieds. Et, comme je sais que la consolation ne dure que le temps d’un souffle de vent dans la cime d’un arbre, je me dépêche de m’emparer de ma victime.
Qu’ai-je alors entre mes bras ?
Puisque je suis solitaire : une femme aimée ou un compagnon de voyage malheureux.
Puisque je suis poète : un arc de mots que je ressens de la joie et de l’effroi à bander.
Puisque je suis prisonnier : un aperçu soudain de la liberté.
Puisque je suis menacé par la mort : un animal vivant et bien chaud, un cœur qui bat de façon sarcastique.
Puisque je suis menacé par la mer : un récif de granit bien dur. »
Puis :
« L’idée me vient finalement que toute consolation ne prenant pas en compte ma liberté est trompeuse, qu’elle n’est que l’image réfléchie de mon désespoir. »
Et puis encore :
« …car à la vérité, il n’existe pour moi qu’une seule consolation qui soit réelle, celle qui me dit que je suis un homme libre, un individu inviolable, un être souverain à l’intérieur de ses limites. »
« Personne, aucune puissance, aucun être humain, n’a le droit d’énoncer envers moi des exigences telles que mon désir de vivre vienne à s’étioler. Car si ce désir n’existe pas, qu’est-ce qui peut alors exister ? »
Précipitez vous toutes affaires cessantes sur ce petit livre, sur ce trés court texte, sur ce bijou d'humanité!
Car…« Telle est ma seule consolation. Je sais que les rechutes dans le désespoir seront nombreuses et profondes, mais le souvenir du miracle de la libération me porte comme une aile vers un but qui me donne le vertige : une consolation qui soit plus qu’une consolation et plus grande qu’une philosophie, c’est-à-dire une raison de vivre. »
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