Dialogue d’un Vendeur d’Almanachs et d’un Passant, par Giacomo Leopardi (1798-1837) (Dix petites pièces philosophiques, Ed "Le temps qu’il fait" 1985)
Voila une petite pièce philosophique qui n'a l'air de rien, mais...
Le Vendeur : Almanachs, almanachs nouveaux ! Calendriers nouveaux ! Un almanach, Monsieur ?
Le Passant : Un almanach pour la nouvelle année ?
Le Vendeur : Oui, Monsieur.
Le Passant : Croyez vous qu’elle sera heureuse, cette nouvelle année ?
Le Vendeur : Oh, bien sûr, Excellence !
Le Passant : Comme l’année passée ?
Le Vendeur : Beaucoup plus !
Le Passant : Comme celle d’avant ?
Le Vendeur : Oh, bien sûr, Excellence !
Le Passant : Comme l’année passée ?
Le Vendeur : Beaucoup plus !
Le Passant : Comme celle d’avant ?
Le Vendeur : Plus encore, Excellence !
Le Passant : Comme laquelle, alors ? N’aimeriez vous pas que cette année nouvelle ressemble à l’une de ces dernières années ?
Le Vendeur : Non, Monsieur, je n’aimerais guère.
Le Passant : Depuis combien d’années vendez vous des almanachs ?
Le Vendeur : Bientôt vingt ans Excellence.
Le Passant : A laquelle de ces années voudriez vous que ressemble l’année prochaine ?
Le Vendeur : Moi ? Je ne saurais dire.
Le Passant : Ne vous rappelez vous en particulier aucune année qui vous ait parue heureuse ?
Le Vendeur : En vérité, Excellence, non.
Le Passant : Et pourtant, la vie est une belle chose, n’est-ce pas ?
Le Vendeur : Et comment !
Le Passant : Ne voudriez vous pas revivre ces vingt ans, et tout votre passé depuis le jour de votre naissance ?
Le Vendeur : Ah, Monsieur, plût au ciel que ce soit possible !
Le Passant : Comme laquelle, alors ? N’aimeriez vous pas que cette année nouvelle ressemble à l’une de ces dernières années ?
Le Vendeur : Non, Monsieur, je n’aimerais guère.
Le Vendeur : Bientôt vingt ans Excellence.
Le Passant : A laquelle de ces années voudriez vous que ressemble l’année prochaine ?
Le Vendeur : Moi ? Je ne saurais dire.
Le Passant : Ne vous rappelez vous en particulier aucune année qui vous ait parue heureuse ?
Le Vendeur : En vérité, Excellence, non.
Le Vendeur : Et comment !
Le Passant : Ne voudriez vous pas revivre ces vingt ans, et tout votre passé depuis le jour de votre naissance ?
Le Vendeur : Ah, Monsieur, plût au ciel que ce soit possible !
Le Passant : Même si vous aviez à revivre exactement la vie que vous avez menée, avec tous ses plaisirs et les peines que vous avez connus ?
Le Vendeur : Ah, ça non, je n’en voudrais pas.
Le Vendeur : Ah, ça non, je n’en voudrais pas.
[…]
Le Passant : Enfin, quelle vie souhaiteriez vous ?
Le Vendeur : Une vie comme ça, telle que Dieu me l’enverrait, sans autre condition.
Le Vendeur : Une vie comme ça, telle que Dieu me l’enverrait, sans autre condition.
[…]
Voilà donc une petite 'pièce philosophique' qui n'a l'air de rien, semble faire simplement état de nos contradictions quant à nos souhaits à la fois de revivre et de ne pas revivre le passé, et qui témoigne en fait du mal de vivre et du temps qui passe, inexorablement, sentiment accentué à chaque démarrage d’une nouvelle année….
... mais qui nous montre au contraire un amour pour la vie, tout timide et en même temps enraciné dans une attente discrète du bonheur.
Cette attente, nous la partageons tous, quel que soit notre milieu social et nos conditions de vie. Nous pouvons tous, les uns pour les autres faire éclore et se réaliser cette attente, ne serait-ce que par un regard, un sourire...un commentaire à une note de blog !
Si cette vie vaut la peine, c'est que par le passé, elle nous a surpris, touchés et apporté des bonheurs que nous n'attendions pas.
Nous nous appuyons sur ce vécu pour espérer et croire que dans l'avenir il en sera de même.
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